En 1940, Mary Parker Follet, une conseillère en management et pionnière de la théorie des organisations, affirmait : « I do not think we have psychological, ethical and economic problems. We have human problems with psychological, ethical and economic aspects, and as many as you like, legal often »[1].
Ainsi, un même conflit contient plusieurs dimensions et donc sa résolution peut entraîner la recherche de plusieurs finalités. Par exemple, un conflit autour d’une convention collective engendre des considérations du système juridique. Dans le même contexte de travail, ce conflit peut dégénérer en problème interpersonnel qui appelle le système du bien-être à l’échelle individuelle et celui de la gestion, s’il affecte une équipe de travail. Pour l’organisation, la priorité consiste à rétablir un minimum de bien-être entre des individus dont le manque de communication affecte l’ensemble du milieu.
Souvent, des finalités différentes s’entremêlent, se chevauchent, se succèdent. En conséquence, il importe de concevoir les finalités de manière complémentaire de sorte qu’une destination majeure est presque toujours accompagnée de destinations mineures. Dans un même conflit, différentes finalités émergent à des intensités différentes ce qui détermine, à un moment donné, celles qui apparaissent comme la majeure et les mineures. Parfois, dans le cadre d’une intervention pour résoudre le conflit, l’attention même portée à la priorisation de certaines finalités, aux dépens des autres, entraîne des tensions entre les protagonistes. En conséquence, comme intervenant.e.s en MISC, il importe d’être toujours prêts à remettre en question l’ordonnancement, l’intensité et la priorisation des finalités parce qu’elles évoluent dans le temps, dans le milieu et d’un système à l’autre.
En effet, la dimension temporelle affecte les finalités recherchées. Dans la résolution des conflits, la recherche de certaines finalités se transforme très souvent dans le temps. Elles peuvent apparaître comme étant identifiées à un système tout en requérant des finalités complémentaires. En cours d’intervention, l’atteinte d’une finalité peut faire émerger d’autres sources du conflit et donc, la recherche de nouvelles destinations.
La détermination de ces priorités et de leurs intensités respectives intervient dans la qualification du conflit. Or, cette qualification même du conflit se transforme et demeure mouvante tout au long des tentatives de résolution. Aussi, la qualification du conflit dépend à la fois de la perspective du protagoniste et de la spécialité de l’intervenant.e. Quand une personne consulte un.e avocat.e ou un.e psychologue, elle a une idée de son problème et de la finalité qu’elle recherche. L’intervenant.e propose aussi sa perspective. La ou le protagoniste et l’intervenant.e, selon son domaine d’expertise, codéfinissent le conflit et coconstruisent ensemble l’angle et le cadre de résolution du conflit.
La présentation initiale du conflit détermine souvent une perspective alors que l’approfondissement de la connaissance et de la complexité de la situation permet l’émergence de nouvelles finalités, invisibles au début de l’intervention. Généralement, la qualification à l’origine du conflit provient de la coproduction de sa nature prédéterminée par les protagonistes eux-mêmes, soit les personnes qui sont en conflit. Or, un regard externe permet souvent de dégager les véritables enjeux du conflit et d’identifier les finalités recherchées.
De plus, plusieurs protagonistes peuvent rechercher des finalités différentes. Dans la résolution d’un conflit, il importe de concilier ces finalités sans le contraindre à une seule dimension. La démarche des MISC consiste à rendre visibles les finalités obscurcies à la fois par les systèmes, par les mandataires, par les protagonistes et aussi par les intervenant.e.s en MISC.
En somme, les frontières entre les systèmes demeurent poreuses. Les problèmes humains, par exemple, peuvent se trouver dans tous les systèmes. Toutefois, ils ne se délestent jamais complètement des caractéristiques (finalités, discours) propres aux autres systèmes.
[1] Mary Parker Follett, « The Psychology of Control » dans Henry C Metcalf et Lyndall F Urwick, Dynamic Administration: The Collected Papers of Mary Parker Follett, London ; New York, Routledge, 2003, 167 à la p 184, DOI : <10.4324/9780203486214-9>.